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Cycle : Divo & Diva

A ce moment clé dans l’histoire de la musique et des sensibilités, on découvre des artistes femmes aux voix graves de contralto qui jouent les rôles de guerriers et de héros en travestis, parvenant à effacer la frontière entre les hommes et les femmes. Elles illustrent ainsi toute une tradition musicale qui repose sur l’artifice, un goût pour l’équivoque sexuelle, l’ambiguïté des genres, un penchant affirmé pour l’androgynie.

Par la suite, au XIXe siècle, le public s’enflamme davantage pour les artistes femmes, et ce sont les mêmes cantatrices qui deviennent les premières divas de l’histoire de la musique, des muses qui inspirent les plus grands compositeurs de bel canto- Rossini, Donizetti ou Bellini- annonçant les futures « étoiles », les « astres », stars et autres vedettes de l’opéra.

La diva incarne désormais l’être idéal et suscite le délire auprès des artistes et écrivains, Stendhal, Delacroix ou G. Sand et du public avec qui elle nourrit une relation passionnelle.

1. Le Divo et le culte des castrats sous l’Ancien Régime.

Sous l’Ancien Régime, les castrats furent les interprètes de l’opera seria, un genre qui rayonna partout, avec une diffusion très rapide dans toute l’Europe, dans les cours, les académies, et les théâtres publics, sauf en France. On ne parlait pas encore de diva, mais plutôt de « divo », le Dieu, l’être de nature divine , pour évoquer les voix angéliques et célestes de ces artistes castrats que l’on percevait comme de véritables créatures du ciel. Les honneurs, les fastes, la gloire étaient alors pour ces « divi assoluti » de la scène, et des compositeurs comme Glück, Häendel, Vivaldi, Mozart, acceptèrent de se plier entièrement à leur volonté.

2. Le mythe de l’artiste contralto

La chute des castrats représente un vide dans l’univers de la musique et signifie au début du XIXe siècle « un changement radical de civilisation vocale ». Les premières années du XIXe siècle correspondent en effet à une période de tournant fondamental pour l’histoire de la musique, du chant, et des représentations Les musiciens se voient alors contraints de remplacer ces interprètes par les femmes contraltos, seules à même de conserver la logique qui fondait le genre de l’opéra seria. Les airs chantés autrefois par les castrats sont alors transposés pour ces femmes  travesti en hommes, qui jouent dorénavant les rôles de héros et de guerriers. En fait, ce choix relève toujours de l’ère baroque. De fait, de nombreux compositeurs de cette époque sont davantage préoccupés par le son de la voix, qui est censé reconstituer le type vocal du castrat, que par une volonté de crédibilité ou de réalisme. Car la femme en héros-guerrier ne semble pas plus vraisemblable que le castrat. On assiste alors simplement à un déplacement de cette « esthétique de l’équivoque » si chère à l’univers de l’Italie,  « un artifice en remplaçant un autre ».

 

3. "Le Rossinisme, une composante italienne de la vie parisienne".

La figure de Rossini a profondément marqué Paris.Le compositeur a longtemps vécu dans cette ville, durant deux grands séjours : l’un sous la Restauration et la monarchie de Juillet de 1823 à 1836 et l’autre sous le Second Empire de 1855 à sa mort, en 1868. Ce qui fait plus de vingt-six ans vécus à Paris. Véritable phénomène historique, c’est une personnalité qui a marqué son temps par sa présence artistique et mondaine.  Nous tenterons ainsi de comprendre comment le « rossinisme » s’est construit en véritable produit parisien dont nous évaluerons le contexte, les ressorts et les enjeux dans la première moitié du XIXe siècle.

 

4. "De la courtisane à la diva, la notion de pouvoir pour une cantatrice du premier XIXe siècle"

 

Au début du XIXe siècle, quand l’opéra laisse tomber ses fonctions de miroir de la vie de cour, la profession de chanteur lyrique subit de profondes évolutions. Le système initial qui voyait les artistes dépendants des gouvernants et des nobles disparaît. L’artiste- femme en particulier, autrefois exclus de la scène ou assimilée à une courtisane, s’affirme progressivement dans un monde en pleine mutation. C’est en effet dans ces années du premier XIXe siècle que naît la figure de la diva, figure qui allait transformer le statut subordonné de « l’artiste courtisane » en un être puissant et captivant qui allait dominer les théâtres et subjuguer le public.

 

5. "Giuditta Pasta, héroïne Stendhalienne »: les divas et la littérature

Le thème du chanteur, ou de la chanteuse inspire fortement et nourrit une vaste littérature au XIXe siècle. Des noms de personnes de renom qui appartiennent au monde lyrique de l’époque, comme ceux de Giuditta Pasta, de Maria Malibran, sont jetés dans de nombreuses pages de romans, comme autant de références connues, reflets de leur importance dans les représentations du temps. L’art vocal et ses idoles ont par exemple largement imprégné les romans de Balzac. George Sand multiplie elle-aussi les évocations littéraires pour faire de la cantatrice une figure représentative de son univers. Mais c'est Stendhal qui  nous offre les pages les plus riches concernant la diva. Il évoque en effet les « inspirations célestes » qu'elle révèle par son chant. Et il oppose, avec un parti pris tenace, les voix de tête limpides et brillantes, aux voix de poitrine, rocailleuses, et brumeuses en leur accordant un surcroît d’expressivité. 

"L’histoire de l’art tendrait même à faire croire que ce n’est pas avec une voix également argentine et inaltérable dans toutes les notes de son extension que l’on obtient le chant vraiment passionné. Jamais une voix d’un timbre parfaitement inaltérable ne pourra atteindre de ces sons voilés et en quelques sorte suffoqués qui peignent avec tant de force et de vérité certains moments d’agitation profonde et d’angoisse passionnée". (Stendhal, Vie de Rossini).

 

6. "Le marbre et la panthère » , le Romantisme musical ou le duel entre la Pasta et la Malibran.

Si les siècles passés ont connu de célèbres querelles, littéraires, musicales ou philosophiques, le XIXe siècle est l’époque des duels, notamment musicaux, au violon, au piano ou dans l’univers du théâtre, du ballet et de l’art lyrique. La rivalité des deux divas Giuditta Pasta et Maria Malibran est une réalité quotidienne à l’époque romantique ; non seulement elles doivent se côtoyer sur une même scène au gré des besoins du répertoire, et donc se mesurer entre elles devant le public, mais elles guettent toutes les rôles principaux que leur écrivent les compositeurs dans une atmosphère d’âpre concurrence.

Le duel entre la Malibran et la Pasta fut ainsi construit par les témoins de l’époque, la presse bien évidemment, mais aussi par les directeurs de théâtre pour qui la rivalité était un bon argument publicitaire, les chroniqueurs et les écrivains de l’âge romantique.  Dans un bel article de la Revue des deux mondes, le critique mélomane Henri Blaze de Bury établit une confrontation entre les deux artistes en opposant « le marbre et la panthère ».  (extrait de la Revue des Deux Mondes, 1856).Nous essaierons alors justement de saisir quels sont précisément les termes de cette comparaison, en étudiant l’histoire, la légitimité et l’impact de ce duel qui marqua profondément les sensibilités des années 1830 en participant à la réflexion et à la définition du style « romantique ».

 

7. "La naissance de la star féminine sous le Second Empire".

Sous le Second Empire, le public paraît s’exalter pour l'artiste-femme, une figure qui cristallise bien des fantasmes, les actrices étant perçues comme des femmes émancipées, à la vie tapageuse, conjuguant une forme de sensualité et d'audace transgressive. Devenues des êtres de démesure, elles incarnent le trop, l’excès dans tous les domaines : le talent, la gloire, la fortune, mais aussi les amants, le luxe, l’excentricité, le scandale. Or la naissance de ce phénomène culturel n’a rien d’un hasard et s’explique par les cadres structurels de l’époque.

Nous verrons ainsi en quoi le Second Empire met en place un ensemble de réformes favorables à l’émergence de la star féminine, ce régime ayant probablement inventé cette figure hors du commun telle que l’on peut encore la concevoir aujourd’hui. Dans cette optique, nous analyserons les enjeux politiques, sociaux, économiques et médiatiques qui ont rendu possible cette représentation en nourrissant notre réflexion de quelques exemples de stars féminines qui émergent à cette époque, et qui proviennent de l’univers du théâtre parlé (Rachel), du théâtre lyrique (Adelina Patti, Hortense Schneider), ou du café-concert (Thérésa).